Un patient sur cinq est hospitalisé suite à son passage aux urgences et les patients peuvent rester parfois des heures aux urgences, dans l'attente d'une place disponible dans un service hospitalier. Sachant que les taux d'hospitalisation sont beaucoup plus élevés pour les patients les plus âgés, l'admission de personnes âgées aux urgences ressemble parfois à un véritable calvaire.
Au début de l’été 2022, le ministère de la santé a publié une instruction qui détaillait les 41 mesures préconisées par la mission flash pour permettre aux services d'urgences de tenir pendant l'été 2022. Parmi ces 41 mesures, la circulaire ministérielle prévoyait la possibilité pour certains services d’urgence de fermer temporairement leurs portes, la régulation des entrées étant effectuée par le SAMU (centre 15).
Un an plus tard, les difficultés de fonctionnement des services d'urgence sont toujours au devant de l'actualité. Dans Santé à voix haute n°64 nous évoquions la situation des hôpitaux du département de la Mayenne dont tous les services d’urgence ont fermé leurs portes au public pendant l’été 2023. Mais ils ne sont pas les seuls ; selon l’enquête menée par Samu-Urgences de France, environ 160 services d'urgence ont fermé au moins une fois leurs portes durant l'été 2023 (parmi 622 SAU).
Au CHU de Bordeaux, la régulation des entrées a été appliquée vingt-quatre heures sur vingt-quatre à l’hôpital Pellegrin, avec des admissions réduites aux urgences vitales et aux traumatismes sévères, uniquement après un appel au SAMU. 80 à 100 passages sont dénombrés chaque jour depuis ce changement d’organisation, moitié moins qu’avant l’été « … cela a permis de revenir à un temps correct pour la prise en charge d’un patient », souffle le docteur Renaud Jacquemin, chef des urgences de l’hôpital Pellegrin au journaliste du Monde. Le centre hospitalier de Montauban a appliqué lui aussi les mêmes règles : l’activité quotidienne a ainsi baissé de 25 % aux urgences, et le délai d’attente a été divisé par deux.
Et pourtant, la croissance de l'activité a ralenti au cours de la dernière décennie.
Le nombre de passages aux urgences n'a augmenté que de + 7 % au plan national entre 2013 et 2021. Cette légère progression cache en réalité deux évolutions opposées ; les passages dans les urgences pédiatriques sont en baisse (- 11 %), en lien sans doute avec la baisse de la natalité, tandis que l’activité des urgences générales progresse de 10 %.
Sur le plan des moyens humains, les effectifs infirmiers des SAU, comme ceux des aides-soignants, ont sensiblement progressé (+ 25 % en équivalent temps-plein au cours de la même période d'observation 2013-2021). Forte progression également au niveau des effectifs médicaux (+19 %).
Mais il est difficile d'interpréter ces résultats, à cause des effets de la crise sanitaire du covid19, et de la variabilité des réalités territoriales. Par ailleurs, les données les plus récentes ne sont pas disponibles, en ce qui concerne notamment les nombreux départs de soignants qu'ont connu les établissements de santé.
Enfin, en réponse aux attentes de la profession, la médecine d'urgence est devenue une spécialité médicale à part entière en novembre 2015. Mais la naissance de la spécialité ne semble pas avoir eu l'effet constaté en terme d'attractivité. Les SAU, comme les autres services hospitaliers, ont un déficit de personnel important.
On a l’habitude de considérer que les SAU concentrent toutes les difficultés de fonctionnement de l’hôpital, avec (en amont) une offre de premier recours en recul, et (en aval) une réduction des capacités hospitalières. Un patient sur cinq étant hospitalisé suite à son passage aux urgences, les patients peuvent rester parfois des heures aux urgences, dans l'attente d'une place disponible dans un service hospitalier. Sachant que les taux d'hospitalisation sont beaucoup plus élevés pour les patients les plus âgés, l'admission de personnes âgées aux urgences ressemble parfois à un véritable calvaire.
En matière d'urgences, toutes les solutions semblent avoir été essayées, avec une liste impressionnante de plans et de rapports publiés par les autorités sanitaires ou les parlementaires.
Mais ici comme ailleurs, les politiques publiques souffrent d'un énorme défaut :
l'absence de transparence. Le nouveau ministre de la santé, dans son discours de prise de fonction, a parlé d’une « politique de santé par la preuve ». C'est le moment de passer aux travaux pratiques. Un an après la publication de la circulaire de juillet 2022, on ignore tout des conditions de mise en œuvre des 41 mesures prévues. L’inspection générale a pourtant effectué une évaluation mais celle-ci n’a pas été rendue publique.
Par ailleurs, Aurélien Rousseau semble avoir vite oublier son ancienne fonction de directeur d'ARS. Les réalités territoriales sont extrêmement variables et appellent le plus souvent des réponses négociées localement.
François Tuffreau
publié le 14 septembre 2023