PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE 2023

Le vrai-faux débat sur la politique de santé du gouvernement

Comme chaque année, l’examen du Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) est source de nombreux débats (plus de 3 000 amendements déposés à l’Assemblée nationale). L’occasion pour les députés de débattre de la politique de santé du gouvernement. Mais notre pays est toujours en attente d'une loi de santé pluriannuelle, avec un suivi régulier du Parlement.

En 2021, le président du Haut conseil de santé publique, Franck Chauvin, dans son rapport sur la politique de santé publique (proposition 3) avance l’idée de « Faire voter par le parlement tous les 5 ans une loi de programmation pluriannuelle de santé publique… ».

Mais ce que préconise le professeur de santé publique a déjà été voté,
à trois reprises, par le Parlement (1996, 2002, 2004*). 

Mais ces dispositions n'ont pas été mises en œuvre.

Chaque année, l’examen du projet du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) suscite un grand intérêt parmi les parlementaires, avec plus de 3 100 amendements déjà déposés cette année. C'est l'occasion pour les parlementaires de débattre de la politique de santé du gouvernement. 

Mais l'ambiguïté existe depuis l'origine, à savoir l'instauration par la Loi organique de juillet 1996, du vote du budget de la sécurité sociale par le Parlement. Car la LFSS n'est pas une loi de santé, c'est une « loi de financement », qui décide avant tout des recettes et des dépenses des cinq branches de la sécurité sociale (assurance maladie, accidents du travail, autonomie, famille, vieillesse). 

Le débat n’est pas nouveau et, depuis des années, de nombreux experts soulignent la nécessité de soumettre au Parlement la politique de santé du gouvernement. En 2021, le président du Haut conseil de santé publique, Franck Chauvin, dans son rapport sur la politique de santé publique avance l’idée de « Faire voter par le parlement tous les 5 ans une loi de programmation pluriannuelle de santé publique… » (proposition 3).
Mais ce que préconise le professeur de santé publique a déjà été voté, à trois reprises, par le Parlement (1996, 2002, 2004*). Mais ces dispositions n'ont pas été mises en œuvre, sans que personne ne s’en soucie.

En 2016, la législation a encore changé à l'occasion de l'adoption de la loi de modernisation du système de santé. "La politique de santé est conduite dans le cadre d'une stratégie nationale de santé définie par le Gouvernement" (Article 14-11.1 du code de la santé publique)" sans vote du Parlement. Ce texte, légèrement amendé, est toujours en vigueur. La stratégie nationale de santé 2018-2022, lors du premier quinquennat du président Macron a ainsi été adoptée par simple décret, sans présentation devant le Parlement.

Une loi de financement

Pour de nombreux professionnels de santé, le PLFSS est une loi de référence puisqu'il détermine leur budget pour l’année à venir.

Les entreprises pharmaceutiques, représentées par leur syndicat, le LEEM, ont été les premières à dégainer. Le montant de l’enveloppe pour 2023 (24,6 Mds €) est 7% inférieur aux dépenses de médicaments pour 2022. Parmi les sujets de crispation : la clause de sauvegarde, une taxe spécifique au secteur pharmaceutique, dont le montant a explosé en 2021. Il est vrai que le médicament pèse de plus en plus lourd dans le budget de l’assurance maladie, avec l’introduction de nouvelles molécules particulièrement couteuses. Depuis, le gouvernement a fait quelques concessions aux laboratoires pharmaceutiques mais cela ne semble pas suffire à taire la grogne (Le Monde).

La biologie qui connaît régulièrement une réduction de ses tarifs voient une nouvelle fois leur marge financière réduite, avec en perspective 250 millions € d’économie en 2023, si les négociations contractuelles n’aboutissent pas.

Les fédérations hospitalières réclament une hausse de l’ONDAM, dans un contexte d’inflation qui remet en cause les équilibres budgétaires.

 

D’autres dispositions sont soumises aux parlementaires, avec une incidence financière plus modérée. Le gouvernement veut faire le ménage en matière de téléconsultation, en agréant les organismes offrant ce service. « Portée par la crise sanitaire et l’essor de la télémédecine, la part des arrêts de travail indemnisés décidés à distance par les médecins a connu un pic à 23 % pendant le premier confinement. Mais elle s’est stabilisée depuis février 2022 à moins de 5 % du total avec des soubresauts liés aux vagues épidémiques de Covid-19 » (Le Monde).

La quatrième année d’internat des internes en médecine générale, soulève la grogne des internes qui n’ont pas envie d’une quatrième année de pratique de terrain sous payée.

Le ministre de la santé souhaite introduire des rendez-vous prévention aux différents âges de la vie, disposition immédiatement contestée par les professionnels de santé publique. Faut-il rappeler combien ces mêmes professionnels ont souligné dans le passé la faible implication des professionnels de santé libéraux en matière de prévention.

L’accès sans ordonnance et gratuitement au dépistage des infections sexuellement transmissibles pour tous, la contraception d’urgence gratuite pour toutes les femmes et la régulation de l’intérim font également partie des mesures nouvelles introduites dans le projet de loi.

Au premier jour de l’examen du projet de loi, jeudi 20 octobre, la première ministre, Elisabeth Borne, a de nouveau  engager la « responsabilité de son gouvernement ». Après une première fois sur le projet de loi de finances, mercredi, la cheffe du gouvernement a déclenché cet article constitutionnel – qui permet de faire adopter un texte sans vote – sur le volet recettes du budget de la Sécurité sociale.

François Tuffreau, publié le 20 octobre 2022


POUR EN SAVOIR PLUS

  • En ce qui concerne la communication gouvernementale, vous pouvez bien sûr consulter le projet de loi : chaque article est précédé d'un exposé des motifs qui facilite la compréhension du texte. Le dossier de presse est une bonne introduction à la découverte du PLFSS. On peut enfin conseiller l'utilisation du site Vie publique, qui offre une bonne synthèse de ces informations. L'ensemble des dispositions nouvelles (qui sont évoquées dans cet article) sont introduites dans le quatrième chapitre du projet de loi.
  • La note de NILE (cabinet conseil) offre quant à elle une lecture plus critique du projet de loi (gratuit). D'autant que NILE effectue un suivi tout au long de la procédure parlementaire.

*Lois ayant introduit le principe d'un vote de la politique de santé par le Parlement



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