Les ARS bouc émissaires de la crise sanitaire titrait le « Le Monde » le
25 avril, alors que les critiques dans la presse se multiplient à leur égard.
Et si on faisait un mauvais procès aux ARS ?
Les politiques de santé ne se limitent pas à des fermetures de lits
En cas de crise, il y a les professionnels dont on salue le courage et la professionnalité… et les autres. Visiblement, les Agences régionales de santé sont à ranger dans la deuxième catégorie si l’on en croit le portrait dessiné par les trois journalistes du Monde. « L’ARS est débordée, ça ne suit pas », cingle ainsi le maire (LR) de Reims, Arnaud Robinet. « L’ARS forme une élite qui ne rend de comptes à personne et qui prend des décisions technocratiques, loin des besoins concrets des territoires », raille Syamak Agha Babaei, médecin urgentiste à Strasbourg et élu écologiste. La charge est lourde, répétée, polyphonique, trouvant des artilleurs dans tous les partis, jusque dans la majorité. « Les ARS ont trop de pouvoir et ne sont pas soumises au contrôle parlementaire », ajoute Sacha Houlié, député (La République en marche, LRM) de la Vienne.
Si les ARS n’avaient pas été constituées lors de la présente épidémie, cela aurait été tout simplement catastrophique
Pour comprendre la situation actuelle, un petit retour en arrière s’impose. Les ARS sont en effet une administration relativement jeune, car elles sont nées il y a dix ans (2010), quand Nicolas Sarkozy a réformé en profondeur l’organisation des services de l’État au plan régional. Auparavant, de 7 à 10 organismes différents selon les régions se partageaient le pilotage des questions de santé (les DDASS, DRASS, certains compartiments des CRAM, URCAM, Agences régionales d’hospitalisation, Groupements régionaux de santé publique). L’organigramme actuel a le mérite de la simplicité. En cas de problème, on sait où s’adresser, et c’est donc normal que tous les mécontentements convergent vers cet organisme, étant donnée l’étendue de ses missions. Les ARS font ainsi figure de bouc émissaire car elles incarnent auprès de nombreux professionnels de santé une politique de restriction budgétaire conduite par les différents gouvernements depuis vingt ans. Par ailleurs, le passage à 13 régions en 2016 a fragilisé leur fonctionnement alors qu’elles venaient de digérer les conséquences de la fusion.
Et pourtant, si les ARS n’avaient pas été constituées lors de la présente épidémie, cela aurait été tout simplement catastrophique. Organiser le traçage des contacts des personnes atteintes du covid au début de l’épidémie activité qui va de nouveau les mobiliser lors de la levée du confinement, faciliter la transformation des services hospitaliers afin de doubler les capacités d’accueil en réanimation, organiser les transferts entre régions, faire la passerelle public-privé, assurer un soutien opérationnel des Ehpad avec les conseils départementaux, mobiliser la médecine de ville, les kinés, infirmiers libéraux, les équipes mobiles, veiller aux équipements de protection, au soutien gériatrique, à la santé des groupes de population les plus précaires… les ARS sont sur tous les fronts. Sont-elles véritablement opérationnelles pour répondre à toutes ces attentes, dans tous les départements ? Seule une véritable enquête de terrain et un retour d’expérience après cette crise (RETEX) permettrait de répondre à cette question.
Les ARS incarnent l’État centralisé, éloigné des besoins concrets des territoires
Par ailleurs, les ARS incarnent l’État central, « qui prend des décisions technocratiques, loin des besoins concrets des territoires » peut-on lire dans l’article du Monde. L’antienne est bien connue. Aucune démocratie ne fonctionne avec une telle concentration des pouvoirs au plan national. L’école, la santé, l’agriculture, l’économie ou l’écologie… tout se décide à Paris, avec un Parlement qui passe plus de temps à voter les lois prévues par l’exécutif qu’à contrôler l’action du gouvernement. C’est donc normal que chaque crise mette à mal le pouvoir central, tous les mécontentements convergeant vers l’État central dans la mesure où l’essentiel des politiques sont conduites à ce niveau.
Mais les politiques de santé ne se limitent pas à des fermetures de lits ! Quand les ARS subventionnent des groupes qualité de professionnels de santé libéraux, favorisent le déploiement des Maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), financent des actions de prévention en milieu scolaire, pour le VIH ou la nutrition, et signent des contrats locaux de santé (CLS) avec les communes les agences sont au contraire en lien direct avec les territoires. Mais, fidèles à une culture administrative parfois tatillonne, les ARS font peser sur les acteurs de terrain des contraintes formelles mal perçues. Et il est difficile de communiquer sur ce type d’actions ; elles ne font pas les titres des journaux et restent inconnues du public.
Comment rapprocher les citoyens des décideurs en santé ?
Cette méfiance vis-à-vis des autorités sanitaires s’explique aussi par un déficit de démocratie sanitaire. Les français veulent être mieux associés à l’élaboration des politiques de santé, comme l’ont montré les différentes consultations populaires au moment de la crise des gilets jaunes par exemple. Le paradoxe est que de nombreux outils existent pour favoriser la démocratie sanitaire au plus près des populations, les commissions d’usagers au sein des établissements de santé, les conférences régionales de santé et d’autonomie (CRSA) au niveau régional et conférences territoriales de santé dans les territoires. Problème ! Ces différentes instances sont pratiquement inconnues des français.
Certes les commissions d’usagers sont mentionnées dans des livrets d’hospitalisation mais on ne trouve en général aucun affichage au sein des établissements pour contacter ces instances de médiation.
La situation n’est guère brillante du côté des conseils territoriaux de santé qui n’ont pratiquement aucune visibilité sur internet (en dehors de l’Ile-de-France). Quant aux CRSA, elles disposent en général d’un site internet, mais qui est administré en général par l’ARS : une visite de ces sites en dit long sur le faible degré de partage d’informations qui règne dans le champ sanitaire. On se demande par ailleurs pourquoi coexistent deux instances de représentation des usagers aussi transparentes (au sens d’invisibles), l’une départementale, et l’autre régionale ? Peut-être tout simplement parce que les ARS ne le souhaitent pas ! Les ressources des CRSA et conseils territoriaux sont d'ailleurs intégrés dans le budget des ARS, et ne font pas partie du Fonds d'intervention régional (FIR), pour bien souligner leur dépendance intrinsèque aux ARS.
En ce qui concerne les EHPAD, les départements ne veulent pas abandonner leurs prérogatives !
L’article du Monde se clôt sur la question des EHPAD. Encore un mauvais procès fait aux ARS. Dans ce domaine, il est nécessaire de souligner la situation ubuesque de ces établissements qui font face en réalité, à une triple tutelle des ARS, des conseils Conseils départementaux (qui financent la perte d’autonomie et l’aide sociale pour les résidents qui ne peuvent payer leurs frais d’hébergement), et de la Caisse nationale de solidarité et d’autonomie (CNSA). Quant aux ARS, elles doivent se coordonner avec les exécutifs départementaux (12 en Nouvelle Aquitaine et en Occitanie !) pour organiser le soutien aux EHPAD. Jusqu’à présent, le législateur n’a pas voulu trancher cette question épineuse car les Conseils départementaux ne sont pas prêts à abandonner leurs prérogatives dans ce domaine.
Les ARS version 2.0
Au-delà des critiques qui reflètent la nécessaire vivacité des débats autour de la conduite des politiques de santé, quelle est l’alternative ? Il n’y en a en réalité qu’une seule, à savoir le transfert du pilotage des politiques de santé aux Régions, comme chez nos voisins allemands. Certaines n’attendent d’ailleurs que ça. Mais il n’y a aucun consensus politique en France sur cette question. Et dès qu’un gouvernement envisage un nouveau transfert de compétences vers les collectivités locales, les attaques viennent de toute part pour garantir le… statu quo, sous l’argument selon lequel la centralisation garantirait une égalité de traitement pour tous les territoires. La crise sanitaire actuelle est-elle susceptible de faire changer les choses ?
La crise a aussi montré qu’en situation d’urgence, de nombreuses barrières réglementaires ont sauté. Pourquoi ne pas envisager un véritable choc de simplification, en particulier dans le domaine des EHPAD, et plus largement du médico-social, même si les Conseils départementaux ne sont pas prêts à abandonner leurs prérogatives.
Les ARS version 2.0 restent à inventer ! En matière de démocratie sanitaire, si rien ne bouge, les citoyens continueront à mettre en cause un organisme « qui prend des décisions technocratiques, loin des besoins concrets des territoires ». Même si la réalité ne correspond pas à ce ressenti, l’absence de véritable partage des décisions de santé, au-delà des cercles restreints de la démocratie sanitaire, continuera à alimenter la grogne des citoyens.
Briere jean bernard (mardi, 05 mai 2020 14:14)
Bonjour,
Je suis un convaincu que les ARS sont les bons endroit pour mettre une politique régionale de santé en place par contre il faut lui donner plus de pouvoir et que la démocratie sanitaire soit renforcer en mettant en place des CLS dans chaque EPCI.
Nous voyons actuellement des combats des chefs de fils politique des départements qui non pas confiance dans les chiffres fournis par les ARS sur la circulation du COVID 19 pour définir la couleur rouge orange et vert alors que ceux qui ci généralement sont les présidents des CTS des CDCA.
Certainement CRSA émets des avis soit sur confinement ou déconfinementmais malheureusement aucune instances de la démocratie sanitaire CTS CDCA n'a ete convoquer.
Dommage