La France connaît la plus forte incidence des cancers du sein dans le Monde

Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme, en France et dans de nombreux pays. 65 659 nouveaux cas ont été dénombrés en France métropolitaine en 2022, dont 20 % concernent des femmes de moins de 50 ans. Mais comment expliquer cette forte incidence observée dans notre pays ?

Le CIRC, ou IARC

Le Centre international de recherche sur le cancer, ou IARC (International Agency for Research on Cancer-IARC en anglais) qui dépend de l’Organisation mondiale de la santé, est installé à Lyon.

C’est l’organisme de référence au niveau mondial en matière d’études scientifiques relatives à l’épidémiologie des cancers. Le CIRC met à jour régulièrement son « Global cancer observatory (GCO) » qui contient de nombreuses séries statistiques relatives aux différents cancers. Les données statistiques utilisées dans cet article proviennent de « cancer today ». 

Selon les données publiées récemment par le CIRC, 65 659 nouveaux cas de cancers ont été dénombrés en France métropolitaine en 2022, dont près de 20 % concernent des femmes âgées de moins de 50 ans. Car, contrairement aux autres localisations, le cancer du sein touche assez fréquemment des femmes jeunes. C’est le cancer le plus fréquent chez la femme, en France comme dans de nombreux pays du monde.

Selon l’observatoire du CIRC, « Cancer today », la France serait le pays ayant l’incidence du cancer du sein la plus élevée dans le monde, avec un taux de 105,4 cas pour 100 000 habitants en 2022. Chypre et la Belgique ont une incidence pratiquement aussi élevée que celle de la France (voir carte ci-dessus). En revanche, l’Allemagne a une incidence faible en comparaison, avec un taux de 77 cas pour 100 000 habitants seulement. Aux États-Unis le taux d’incidence est sensiblement inférieur à celui de la France, 95,9 cas pour 100 000. Cette position singulière de la France se vérifie pour tous les groupes d’âges, et en particulier pour les moins de moins de 50 ans (un cas sur cinq). 

L'incidence du cancer du sein toujours en hausse

Selon une récente publication du réseau des Registres des cancers, FRANCIM, le taux d’incidence des cancers du sein aurait augmenté en France d’environ 1 % par an depuis 1990. Après une forte augmentation jusqu’au début des années 2000, le taux d’incidence s’est stabilisé entre 2003 et 2010. L’incidence continue à augmenter depuis, avec un rythme plus modeste toutefois.

Cette augmentation de l’incidence ne touche pas que la France. Selon une vaste étude américaine publiée dans la revue The Lancet Public Health, les générations nées dans les années 1980 et 1990 ont une probabilité d’avoir un cancer, supérieure à leurs aînés : 17 cancers sont concernés dont le cancer du sein.

Personne ne sait comment l'expliquer

« Personne ne sait comment l’expliquer, c’est bien là le problème ! » commente l’oncologue Jérôme Barrière, membre du conseil scientifique de la Société française du cancer (SFC), selon les propos recueillis par Nicolas Berrod dans Le Parisien (réservés aux abonnés). 

« Parmi les facteurs de risque connus, certains facteurs hormonaux et reproductifs ainsi que la prévalence de l’obésité ont évolué défavorablement au fil des générations », selon la dernière étude du réseau FRANCIM. « D’autres facteurs suspectés, comme le travail de nuit, les perturbateurs endocriniens ou certaines expositions professionnelles, pourraient aussi expliquer en partie la poursuite de l’augmentation de l’incidence. Enfin, l’alcool serait responsable de 15 % des cancers du sein en 2015 ». 

À ce jour, rien ne permet d’expliquer la situation spécifique de la France, en comparaison avec des pays partageant le même mode de vie, et/ou un système de soins offrant des services comparables à la population ? L’obésité de la femme n’est pas plus importante dans notre pays que chez nos voisins ?

 

Selon l’INCA, qui cite une expertise du CIRC, les femmes qui prennent la pilule anticonceptionnelle pourraient avoir un risque de cancer du sein légèrement supérieur. « les pilules dites « combinées** » entraîneraient une légère hausse du risque de cancers du sein, du col de l’utérus et du foie, en particulier les jeunes femmes qui la prennent depuis peu et celles qui l’utilisent depuis 10 ans ou plus. Le risque revient à la normale 10 ans après avoir cessé de la prendre ». Or la France est l’un des pays du monde dans lesquels les femmes ont le plus recours à la contraception orale selon l’Ined. Selon des données plus récentes, 44 % des 15-19 ans déclaraient utiliser la pilule comme moyen de contraception (Baromètre santé).

Le débat est d’autant plus complexe que « plusieurs études suggèrent que les femmes sous pilule combinée risqueraient moins d’être atteintes d’un cancer de l’ovaire ou de l’endomètre », indique toujours l’Inca.

une forte incidence ne signifie pas une forte mortalité

Heureusement, alors que l’incidence augmente, la mortalité diminue en France ; -1,3 % par an entre 1990 et 2018 (FRANCIM). Cette évolution serait liée à des progrès importants dans le traitement de ces cancers et à un diagnostic plus précoce (meilleure sensibilisation des femmes et des professionnels, amélioration des techniques d’imagerie diagnostiques et des pratiques de dépistage).

 

La carte ci-dessus, toujours extraite du site internet du CIRC (Cancer today) permet de croiser les taux d'incidence (abscisse) et les taux de mortalité (ordonnée), de l'ensemble des pays du monde en mesure de fournir ces données (chaque pays est représenté par un point). Il y a bien sûr une certaine corrélation entre les indicateurs de mortalité et d'incidence, mais pas pour tous  les pays.

Les pays européens (points bleus), formant un groupe relativement homogène, ont les taux d'incidence les plus élevés, mais se situent dans la moyenne en matière de mortalité.

À l'inverse, de nombreux pays africains (points rouges) ont des taux d'incidence faibles et des taux de mortalité élevés, ce qui peut signifier des diagnostics plus tardifs. Ce graphique remet en cause l'idée selon laquelle le cancer du sein est une pathologie de pays riches. Voilà de quoi nourrir la réflexion des épidémiologistes.

*Incidence : nombre de nouveaux cas

** Pilules combinées : pilules qui contiennent deux hormones : un œstrogène de synthèse qui est l'éthinylestradiol pour toutes les pilules et un progestatif

*** breast (cancer du sein)

François Tuffreau, publié le 31 août 2024



Commentaires: 2
  • #2

    Charles CARO (mardi, 10 septembre 2024 22:04)

    Cet article intéressant incite à approfondir une question: dans quelle mesure cette forte incidence des cancers du sein en France peut être imputée aux actions importantes de dépistage mises en œuvre comparativement à d'autres pays ?

  • #1

    JP Canévet (lundi, 02 septembre 2024 21:48)

    Ces comparaisons internationales sont à prendre avec précautions, les conditions de fabrication des données peuvent varier d'un pays à l'autre et entacher la fiabilité de la comparaison. La qualité du recueil des données d'incidence peut varier selon les pays et aboutir à plus ou mois d'exhaustivité. Les modalités du dépistage, organisé ou non, systématique ou non peuvent aussi expliquer des différences purement statistiques en décalage avec les réalités cliniques. La France cumule une bonne qualité de recueil de données épidémiologiques cancérologiques et un dépistage radiologique systématique proposé à toute la population des femmes de 50 à 74 ans, ce qui aboutit au dépistage de cancers infracliniques dont une partie n'aurait jamais évolué vers un cancer cliniquement observable. ces deux conditions (exhaustivité du recueil de données et surdiagnostics) contribuent à pousser les chiffres d'incidence vers le haut, plus, sans doute, que dans d'autres pays. La comparaison internationale des chiffres de mortalité est plus fiable car l'enregistrement des des décès et de leur cause constitue une routine administrative plus simple, systématisée dans de nombreux pays.