La question peut paraître saugrenue, mais les estimations du nombre de généralistes varient du simple au double. Car les médecins spécialistes en médecine générale n’exercent pas tous leur discipline en soins primaires. Explications !
La progression des effectifs, si elle se confirme, ne signifie pas forcément une augmentation de l’offre de soins.
Dans la mesure où les jeunes médecins exercent avec des amplitudes horaires moins fortes que leurs aînés, et avec moins de contraintes, comme en témoigne l’explosion du nombre de remplaçants ou de médecins en centres de santé.
Une réalité à prendre en compte pour dessiner l’avenir des soins de proximité.
11 % des français n'ont pas de médecins traitants
Lors d’un colloque organisé par le syndicat MG France en décembre 2021, l’Assurance maladie a fait état de 6 millions de Français n’ayant pas de médecin traitant, dont 10% souffrent d’une affection de longue durée. Le taux de patients de plus de 17 ans n’ayant pas de médecin traitant est passé de 9,8% en 2017 à 11% en 2021 (+1,2 point). Parmi eux, la moitié n’a jamais déclaré de MT, l’autre a vu son praticien cesser son activité (source Egora)
100 000 médecins spécialistes en médecine générale
La médecine générale est reconnue, depuis 2004 seulement, comme une discipline scientifique et universitaire. Cette spécialité clinique orientée vers les soins primaires a un contenu spécifique de formation professionnelle, de recherche de pratique clinique, avec ses propres fondements scientifiques.
Chaque médecin, quel que soit son statut et sa spécialité est enregistré dans le Répertoire Partagé des Professionnels intervenant dans le système de santé (RPPS), répertoire unique de référence permettant d’identifier les médecins, mais également d’autres professions de santé. Pour être enregistrés dans ce fichier, les médecins s’inscrivent auprès de l'Ordre des médecins pour l'enregistrement de leur diplôme (le médecin conserve le même numéro toute sa vie), et la demande de carte CPS. Le RPPS est administré par l’agence du numérique en santé (ex ASIP). Les exploitations statistiques sont en revanche du ressort de la DREES.
Deux sur trois exercent en soins primaires
Au 1er janvier 2022, le RPPS dénombre 99 941 praticiens spécialistes en médecine générale. Mais les spécialistes en médecine générale n’exercent pas tous cette discipline orientée vers les soins primaires.
On dénombre ainsi un total de 65 918 médecins exerçant en soins primaires en cumulant les médecins en cabinet (52 479), en centres de santé (2 671), ou remplaçants (10 498), soit les deux tiers de l’effectif total des spécialistes en médecine générale (source site internet de la DREES).
À titre de comparaison, la CNAM dénombrait au 31 décembre 2020, 52 587 généralistes libéraux. En effet, les médecins des centres de santé qui sont salariés, et les remplaçants ne sont pas enregistrés par la CNAM.
20 % en milieu hospitalier
Un praticien sur trois n'exerce pas la médecine générale. 20 % sont praticiens hospitaliers en établissement de santé public ou privé. Les médecins de prévention (PMI, santé scolaire, médecine du travail…) représentent 4 % des effectifs de médecine générale. Mais le type d’emplois occupés par les médecins spécialistes en médecine générale est très divers : 1 471 sont employés par le ministère de la santé ou les ARS et 1 389 par la sécurité sociale.
L'augmentation des effectifs ne se traduit pas forcément par une progression de l'offre de soins
Au cours de la période récente (2018-2022), l’effectif des spécialistes en soins primaires est pratiquement stable, avec 219 médecins supplémentaires mais cette progression n’a pas la même importance selon le mode d’exercice.
L’effectif des médecins généralistes exerçant en centres de santé (+ 47 %) connaît une forte progression depuis 2018. Même si l’exercice libéral reste majoritaire, l’exercice en centre de santé constitue une alternative pour un certain nombre de praticiens qui ne souhaitent pas s’encombrer de la lourdeur administrative de la gestion d’un cabinet… et qui peuvent ainsi changer brutalement d’activité sans difficultés.
La progression de l’effectif des remplaçants se poursuit (+ 18 % depuis 2018). Il s’agit majoritairement de jeunes médecins (58 % ont moins de 40 ans), qui y trouvent une grande liberté d'exercice avant de s'installer. Mais un effectif non négligeable de praticiens en fin de carrière se tournent également vers ce mode d’exercice.
Par ailleurs, nombreux sont les médecins qui ne travaillent en cabinet que 3 ou 4 jours par semaine, avec l’aide d’un remplaçant permanent pour compléter la semaine, le cabinet étant fermé le samedi matin. Cette évolution fâche notre ministre de la santé qui voudrait une présence de la médecine générale plus importante le samedi matin notamment.
Quant à l’effectif en cabinet, il est en léger recul (- 4 %), essentiellement à cause de l’effondrement du nombre de médecins exerçant seuls.
La DREES prévoit (sur la base des effectifs de praticiens au 1er janvier 2019), une poursuite du mouvement de baisse des effectifs de médecins généralistes libéraux jusqu’en 2025-2026. Les données récentes issues du RPPS semblent montrer déjà un retournement de tendance, si l’on prend en compte, en plus des médecins libéraux, les effectifs de médecins en centres de santé.
La médecine générale parvient à maintenir ses effectifs car elle est devenue en quelques années attractive, notamment grâce à l’enseignement dispensé dans les Départements de médecine générale (DMG). De nouvelles formes d’exercice se développent au sein des Maisons de santé, ou en centres de santé, qui offrent plus de confort de vie. L’exercice isolé semble condamné à terme. Par ailleurs, les généralistes disposent avec les Communautés professionnelles de territoires (CPTS) d’une représentation politique leur permettant d’organiser la réponse aux besoins de santé dans les territoires.
Mais la progression des effectifs, si elle se confirme, ne signifie pas forcément une augmentation de l’offre de soins. Dans la mesure où les jeunes médecins exercent avec des amplitudes horaires moins fortes que leurs aînés, et avec moins de contraintes, comme en témoigne l’explosion du nombre de remplaçants ou de médecins en centres de santé. Une réalité à prendre en compte pour dessiner l’avenir des soins de proximité.